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Sans conteste plus grande réussite de la contribution française au sabir cyber, ce mot a un auteur, Philippe Dreyfus, qui eut l’élégance, ou l’inconscience, de ne pas le déposer en tant que marque. Un des pionniers de la discipline en France, directeur du Centre de Calcul Electronique de Bull depuis les années cinquante, il semble que la nécessité du mot lui apparût alors qu’il était un des initiateurs d’une nouvelle société pour laquelle il fallait un nom. Ce fut, en 1962, la SIA, Société d’Informatique Appliquée. Informatique fut construit par la contraction d’information et automatique. Ce raccourci limpide eut un succès immédiat. L’Académie Française, beaucoup plus rapide alors qu’aujourd’hui, l’entérina dès 1967 en tant que « science du traitement de l’information ». En juillet 1968, un ministre allemand, M. Stoltenberg utilisa informatik dans un discours officiel au sujet de la nécessité d’enseigner cette discipline à l’université. Le mot passa à peu près à la même époque dans le vocabulaire italien, espagnol, et même américain, comme l’atteste le dictionnaire Merriam-Webster. Que venait-il remplacer ? On parlait avant lui de « calcul électronique », comme Bull, de « traitement des données » par traduction de « data processing », ou de « science des ordinateurs » en écho de l’anglais, lourdingue pour une fois, « computer science ». Le nouveau mot était donc à la fois plus général, plus court et plus élégant. Il prospéra chez nous, à tel point qu’il est le seul mot français à régner sans partage sur son royaume : logiciel doit parfois faire de la place à software, puce laisse sauter quelques chips, aux basques d’ordinateur lui-même s’accrochent micro, PC, unité centrale, ordi, bécane, etc. Informatique, lui, ne voit poindre à l’horizon aucun rival. Au contraire, de la veine ouverte par Philippe Dreyfus furent extraites d’autres pépites, moins généreuses cependant : bureautique par exemple, l’application de l’informatique aux équipements et travaux de bureau, inventé par Louis Naugès en 1976 et déposé comme marque l’année suivante. Ou télématique, contraction de télécommunications et d’informatique proposée par un rapport de Simon Nora et Alain Minc en 1978. Ces mots furent des succès, quoique plus limités. Le filon des mots en –tique (jeu de mot assez répandu dans la presse spécialisée des années quatre-vingt) s’épuisa cependant assez vite. Monétique ne dépassa guère l’étroit milieu des professionnels de l’informatique bancaire, pour désigner en gros les distributeurs de billets et la carte bancaire à puce. Des raretés de collection comme vidéotique, billetique, privatique eurent à peu près l’audience d’une robe de grand couturier. Seuls rescapés de cette mine épuisée, la domotique pour désigner l’informatique appliquée à la gestion de la maison et la productique, pour les équipements industriels incorporant de l’électronique, bougent encore. On ajouterait à tort à la liste la robotique, science des robots, qui n’est qu’une traduction du terme robotics, inventé par Isaac Asimov, et dans lequel le –tics ne renvoie pas à quoi que ce soit d’automatique, mais plutôt à la terminaison canonique des disciplines comme economics (la science économique), ou mathematics. D’ailleurs, même s’il est entendu que Dreyfus pensait à automatique, on peut attribuer une grande part du succès d’informatique au fait que sa terminaison venait le ranger naturellement aux côtés de disciplines classiques, des mathématiques à la botanique, de la balistique à l’optique. |
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