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Un mot totalement inconnu aujourd'hui, aussi bien dans le sabir cyber
courant que dans les dictionnaires, sauf le Dictionnaire Historique de la
Langue Française d'Alain Rey (éditions Le Robert). Que vient-il faire ici ?
Une offre de service. Un couillard était à la fin du XIX° siècle une petite
fantaisie typographique qui venait égayer la fin d'un paragraphe. Attesté à
partir de 1866, nous dit Alain Rey, le couillard fait l'objet d'un début de
typologie dans le Dictionnaire de Typographie de 19XX (XXX). Il était au
départ un simple ornement, comme celui-ci :
--==00==--
Les dactylos s'en souviennent, le Canard Enchaîné aussi. Mais
il prit ensuite ses aises, pour exprimer des sentiments.
En 1980, la petite histoire du cyber retient qu'un certain Scott Fahlman
utilisa le premier smiley , sur le Bulletin Board Service de l'université
Carnegie Mellon aux Etats-Unis. Les smileys (que l'on peut traduire par
souriants) sont des combinaisons de signes typographiques utilisés dans des
courriers électroniques, comme par exemple :-) qui signifie je me marre, ou
au contraire ;-( qui indique l'inverse. Les premiers utilisateurs de
courrier électronique, n'ayant sans doute jamais lu ni Woody Allen, ni
Malraux ni Keats, considéraient le texte seul comme impropre à véhiculer
convenablement des émotions aussi subtiles que les leurs. Ils firent don à
l'humanité de l'invention du smiley, version cyber du fâcheux qui ponctue
ses histoire drôles d'un "c'est drôle" ou de celle qui après avoir fracassé
la vaisselle cherche l'éloquence dans la redondance : "je suis très en
colère". Les smileys furent également appelés ensuite emoticons. Ce terme
est la contraction de l'instruction Emote, qui dans les premiers jeux en
réseau (les MUDs, pour Multi-User Dungeons) précédait une action, et du mot
icon, pour icône. Bien qu'ils désignent exactement la même chose, on sera
plus indulgent avec les emoticons, car le mot provient d'un besoin ressenti
dans le dans le contexte d'un jeu, et non d'un texte. Dans le jeu en réseau,
il y a en effet de bonnes raisons d'aller au plus vite pour exprimer des
pensées simples : je vais te tuer, merci du coup de main, bien fait ! etc.
Mais pendant qu'on tchatche, d'autres agissent.
Il existe enfin dans le sabir cyber américain un troisième terme, plus
ésotérique : le .sig file, qui peut se traduire, laborieusement par fichier
d'extension point-sig, sig comme signature, comme il y a des extensions .doc
pour document de traitement de texte. Plutôt utilisé à la fin ou comme
en-tête d'un e-mail, le .sig file est une combinaison de signes
typographiques standards. Un .sig file est en principe plus complexe qu'un
smiley et court sur plusieurs lignes. Il retrouve la vieille nécessité d'un
sceau. Mais son élaboration plonge ses racines dans un très ancien sport
d'informaticien, tombé en désuétude avec l'apparition des imprimantes
graphiques, et qui consistait en gros à imprimer un dessin de femme nue à
l'aide de caractères ASCII. Bref, smileys, emoticons et .sig files, tout
cela ce sont des couillards, et on ne voit pas quelle tâche plus urgente
pourrait avoir l'Académie que de les pourchasser pour les recouvrir d'un mot
qui les attend depuis longtemps et qui leur irait comme un gant. |
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