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On lit la presse, on regarde la télévision, mais on surfe sur Internet. L'expression semble avoir été inventée par une bibliothécaire américaine, Jean Armour Polly, en 1992. Son livre "Surfing the Internet" fut publié en janvier 1993, et elle devenue depuis une des personnalités du réseau. Comme beaucoup de néophytes découvrant les potentialités d'Internet, elle était éblouie par l'idée de voyager de chez elle, de sites en sites, à travers le monde, sur une mer de services en apparence infinie. L'idée du surf naquit donc d'un plaisir et du sentiment d'une liberté. Pourtant au départ le mot anglais surf est plutôt violent puisqu'il signifie (vagues) déferlantes ou leur écume bouillonnante. Le surf-board se développa après la première guerre mondiale dans le monde anglo-saxon, mais ne devint une pratique populaire qu'avec l'essor des loisirs adolescents, à la fin des années cinquante en Amérique. Il prit alors une connotation californienne, associé aux Beach Boys, au bronzage, à la drague de plage, avant de rebondir dans les années soixante-dix dans la gamme des sports de glisse, avec le ski, la planche à voile, le skate-board. Sans offenser ceux des lecteurs de cette rubrique qui d'aventure seraient surfeurs, on peut avancer qu'aux côtés du moniteur de ski, le surfeur n'évoque pas d'ordinaire une importante contribution à l'avancement des connaissances culturelles. Ce fut pourtant une bibliothécaire qui opéra la mutation génétique du surfeur, d'un Hercule de plage peroxydé en gringalet binoclard expert es-configuration du browser. Mais peut-être après tout l'Hercule en question est-il abonné à un fournisseur d'accès ? Il trouvera alors son compte dans cette superficialité du surf, car, quelques esprits chagrins l'ont noté, quand on surfe sur Internet, on ne pénètre que rarement dans les richesses que le réseau recèle. Le surf serait une version suprême du zapping, le clic sur les liens, super-télécommande, permettant de tout voir mais de ne rien lire, d'être informé de tout mais de ne rien savoir. En l'absence d'études sérieuses sur les pratiques réelles de notre Hercule internaute, on lui accordera la présomption d'innocence, rappelant d'ailleurs que les bibliothécaires ne lisent sans doute pas non plus la majorité des livres qu'elles conservent. Non, la fortune de surf est plutôt à chercher dans celle des métaphores maritimes dans le domaine : navigateur, navigation (la version sérieuse du surf), internaute. Dans un monde fini depuis trop longtemps, l'immensité des informations disponibles sur Internet est une invitation à l'aventure. On participe à l'aventure assis sur sa chaise, ne craignant guère que les virus, mais on se rappelle qu'on a eu, jadis, des muscles. "Je surfe" est donc au fond nettement plus honnête et modeste que "je navigue". TendanceUsage solide, avec ses dérivés comme netsurfeur. Le mot n'est cependant pas indispensable, et il a désormais un côté faussement branché qui ne lui donne pas une grande capacité d'extension. DicoL'édition 2000 du Petit Larousse Illustré a ajouté à surfer un laconique second sens, "Inform : naviguer", qui passe à côté de la question. |
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