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C'est le métier des entreprises qui proposent aux particuliers la possibilité d'utiliser Internet. Le fournisseur d'accès vend, contre un abonnement, le droit d'utiliser un numéro de téléphone que le modem appelle pour établir la connexion avec le réseau. Autour de cette fonction de base, un brouillard confus d'autres fonctions se forme et se déforme au gré des évolutions techniques: fournir un logiciel d'accès (dit parfois avec obscurité le "client"), élaborer des contenus exclusifs, gérer le courrier électronique et ainsi de suite. Au départ tout va bien pour le fournisseur d'accès. Dans le grand public, c'est lui qui bénéficie du souffle ultramoderne d'Internet. Cela se traduit par un usage fréquent du possessif (mon provider, ton fournisseur) qui révèle une relation de proximité affectueuse, comme pour mon boucher, mon boulanger. Moderne et proche, voilà comment il aimerait être, le provider. Mais ça se gâte très vite pour lui. En France, ce métier, dans l'imaginaire, est un métier de service public. Confusément, le grand public, comme les hommes politiques, n'ont pas de point d'équilibre entre l'idée qu'il s'agit d'un gadget superflu ou celle qu'il relève d'un droit du citoyen. De ce fait, il n'y a que deux noms qui puissent aller au fournisseur: celui de la technique qu'il délivre, ou celui de l'administration qui le gère. Tout autre nom ne peut être qu'une chimère, ou, à la rigueur, un nom, local et éphémère, de produit ou de service. C'est pour cela que France Télécom est bien barrée avec Wanadoo. Ce dernier est un nom commercial, et France Télécom encore un service public. Mais les entreprises spécialisées (AOL, Club-Internet, Infonie) sont en apesanteur lexicale. On peut avoir Internet, on peut avoir pris AOL, mais on ne peut pas avoir AOL, ça n'existe pas. Et ça n'existe tellement pas que ce métier n'a pas de nom qui vaille: provider, diminutif d'access provider, est encore agressivement américain. Fournisseur d'accès à Internet est trop long, et n'est pas non plus soluble dans un acronyme comme FAI, ou son équivalent américain ISP (Internet Service Provider) ou IAP (Internet Access Provider). Au surplus, un fournisseur, pour un pays qui tire sa culture du Lagarde et Michard, c'est un valet qui rentre par une porte de service. Pire encore, ce métier apparaît dans le langage courant comme une contrainte: pour avoir Internet, il faut passer par un fournisseur d'accès. On aimerait bien y aller tout de suite, mais il faut en passer par ces gardiens de guérites de péage des autoroutes de l'information. Gardiens de square du cyberspace, les providers ne profitent pas longtemps de leur flatteur environnement. Cela ne les empêche pas de prospérer, mais l'absence d'un mot convenable les expose crûment. A eux les procès pour les sites pédophiles, à eux le Prozac pour leur "service consommateur" (parfois "hotline") submergé d'appels furibards et compétents. On a déjà vu des clients rester longtemps chez le même fournisseur d'accès, mais il est précisément impensable d'être satisfait de son fournisseur. Il suffit de consulter les newsgroups dédiés à tel ou tel provider pour s'en convaincre. TendanceL'histoire du secteur est encore jeune. Tout peut encore arriver. Mais, pour les fournisseurs d'accès à Internet, le pire est probable en France. Une moitié des internautes accède au réseau par la connexion de l'entreprise ou de la fac, se passant donc totalement d'eux, vivant dans l'utopie primitive d'une gratuité d'Internet. Prêts donc, si on a l'outrecuidance de leur faire payer l'accès sur leur cassette, à former des bataillons de consommateurs râleurs. Les jeunes branchés disent provider, mais ce sont les plus agressifs à leur endroit. Le maintien d'un terme américain est ici plus une marque de dédain qu'un recul du français. Les moins jeunes ne disent rien. Les femmes tâtent le terrain et changent aussi souvent de fournisseur que de robe. On n'aimera pas plus son fournisseur que son câblo-opérateur. Encore ce dernier est-il, dans chaque ville, en situation de monopole, ce qui lui donne le droit à l'anonymat: j'ai le câble, j'ai engueulé les gens du câble, le type du câble est passé. Dans l'accès à Internet, le coupable n'ayant pas de nom commun, c'est par son nom propre qu'on l'insulte. DicoLe Petit Larousse Illustré ignore superbement les deux formes par lesquelles on désigne ce métier. Qu'est ce que je vous disais? |
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