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Ce verbe désigne le fait d'enregistrer le document sur lequel on travaille sur un support durable, généralement le disque dur ou une disquette. Il a plusieurs synonymes: on trouve aussi écrire, sauvegarder, et dans les versions françaises des logiciels "sérieux", son usage tend à disparaître au profit du mot enregistrer. Mais sauver règne encore en maître dans les jeux. Directement traduit de to save, le mot désigne en creux un péril mortel, celui de l'extinction de l'ordinateur avant que l'œuvre ne soit impérissable. On trouve ici une justification du mot virtuel, souvent accolé sans précision à tout ce qui touche aux applications spectaculaires de l'informatique. Ce qu'on fait sur un ordinateur, les débutants s'en souviennent, possède un caractère "pas vrai", "trop beau pour être vrai", précaire. C'est là, mais peut-être pas pour longtemps. Et c'est miracle, si, l'ordinateur éteint, le précieux document a la faculté de revenir ensuite sur l'écran. Cette fragilité était bien réelle, dans les débuts de la micro-informatique; la précarité des supports de stockage (une simple cassette audio, ou une bande de plastique avec une piste magnétique), ou parfois même leur absence totale, nourrissait cette crainte que des heures de travail ou de création s'anéantissent tout d'un coup dans les limbes de l'électricité. Que la machine s'éteigne, et on restait là, interdit, espérant qu'une divinité bienveillante fasse revenir des entrailles du système tous ces signes qu'on y avait entré et organisé. En vain. Des chercheurs parfaitement rationnels conservaient ainsi des liasses de cartes perforées, traces mordues dans du carton, parce que leur présence physique contenait la certitude que leur ouvrage n'était plus à la merci d'une panne électronique. De cette terreur primitive, il ne restera plus bientôt que la sauvegarde, précaution de type "bretelles ET ceinture" qui consiste à enregistrer sur un deuxième support quelque chose qui a déjà été inscrit sur un premier. "Utilisateur, tu dois faire de fréquentes sauvegardes": les informaticiens ne sont pas avares de ce conseil, mais cette injonction n'a qu'une fonction religieuse. Presque personne ne fait de sauvegarde, même quand une catastrophe en a montré l'utilité peu de temps auparavant. Humanité insoucieuse, tes mages t'avaient pourtant prévenue ! Car l'informaticien est généralement le premier, à côté de sa connaissance technique et rationnelle, à invoquer une métaphysique: les Dieux, les bugs, les plantages, les pannes. Lui a navigué déjà souvent sur cette mer étrange. Quand Charybde ne l'a pas mutilé, Scylla l'a englouti. Il est encore là, mais c'est le cuir tanné par mille blessures qu'il sait qu'il faut sauvegarder. L'acte quotidien de sauver un fichier, de l'enregistrer sur un disque, plonge donc ses racines dans le besoin biologique de se reproduire, c'est une lutte contre l'entropie, le désordre, l'aléa, la mort. TendanceEn déclin. Sauver était en fait un mot cru. Le politiquement correct informatique organise sa disparition. On le dira de moins en moins, mais on le pensera toujours. Enregistrer règne déjà, irréprochable, descriptif et neutre. Mais la langue de bois n'abolit jamais la terreur, au contraire. Et on trouve depuis longtemps des logiciels comme les Norton Utilities qui proposent des modules de rescue, de sauvetage, qui permettent de restaurer des disques durs abîmés dans la mer des pannes. DicoLe Petit Larousse Illustré, qui l'ignorait dans les années quatre-vingt, a ajouté dans les années quatre-vingt-dix, après le sens 4, religieux (procurer le salut éternel), le sens 5, informatique. Il aurait sans doute pu faire entrée commune. |
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