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Système d’exploitation
Ironie ou justice suprême du vocabulaire, cette expression
dont on ne voit pas qui d’autre que Karl Marx aurait pu l’inventer, à la fin
du XIX° siècle, sera le foyer de la première secousse boursière du XXI°
siècle. Car la justice et l’Etat américain ont décidé que le « système
d’exploitation » était le cœur du cœur de l’économie de demain, et que donc
( ce donc mériterait d’autres développements) ce coeur devait obéir aux lois
de la concurrence. Le système d’exploitation « Windows » de Microsoft équipe
en effet environ 90% des micros dans le monde et cette position dominante
n’est pas politiquement correcte. Traduction de l’américain « operating
system », le terme désigne sur un micro le logiciel de base qui permet aux
autres programmes (ceux qui, en principe, servent à quelque chose) de
fonctionner. Sa tache principale est de gérer les composantes matérielles du
micro, le disque dur, l’écran, la mémoire, etc. Le besoin d’un OS (Operating
System) ne s’est fait sentir dans la micro-informatique naissante qu’avec
l’apparition des lecteurs de disquettes. D’où le terme initial de DOS (Disk
Operating System) qui fut un nom commun avant d’être un nom propre.
D’ailleurs dans MS-DOS, la base du futur empire de Microsoft, MS était
justement là pour préciser MicroSoft, preuve que cela n’allait pas de soi.
En France, le magazine l’Ordinateur Individuel prôna pendant de longs mois
l’usage de l’acronyme SED pour Système d’Exploitation de Disquettes. Vers
1982-1983 ce ne fut pas loin de marcher. Mais le succès de l’IBM-PC, bientôt
raccourci en PC tout court, entraîna celui de PC-Dos, plus connu sous le nom
de MS-Dos, puis de Dos tout court. Le SED cèda.
La traduction de « to operate » par « exploiter » ne va pas sans poser des
problèmes en français. Abusant du fait qu’opérer est aussi un verbe
français, de même racine latine (opus, opération, opéra), les anonymes
receleurs du franglais glissent quelques fausses monnaies dans le lexique :
ainsi « cablo-opérateur » est dit chez nous pour « exploitant de réseau
câblé » parce qu’en américain on dit « cable operator », mais l’operator
tout court a des chances de vouloir désigner chez eux ce que nous appelons
ici une standardiste. Le cousinage de nos deux langues fait que, au moins
par écrit, on se comprend aisément un peu, mais difficilement tout-à-fait.
Quoi qu’il en soit, ce que disent aujourd’hui les juges américains, c’est
que le « système d’exploitation » ne peut pas lui-même être exploité par un
seul capitaliste. Marx n’aurait pas dit le contraire. Mais ce qui aurait
conduit jadis à la nationalisation du dit « système d’exploitation »
monopoliste (où Bill Clinton refait du Georges Marchais), provoque
aujourd’hui la recréation artificielle de la concurrence (l’équivalent des
OGM dans l’industrie des logiciels) : il est question aujourd’hui d’éclater
Microsoft en sociétés concurrentes. A défaut d’avoir aboli le système de
l’exploitation de l’homme par l’homme, on abolira l’exploitation du système
d’exploitation par Bill Gates. S’agissant de l’homme le plus riche du monde,
si ce n’est pas un exploit, c’est déjà un début.
Tendance
Forte à court terme. L’anglicisme OS bute sur un os à
l’écrit, et persiste à évoquer à l’oral l’exploitation ouvrière chez les
plus anciens. Surtout, dans un contexte conflictuel de procès et de passions
(Linux est un système d’exploitation de gauche, Windows est de droite,
Mac-OS est écolo) le terme s’habille avec coquetterie de ses différentes
connotations. |
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